CINQ QUESTIONS A MONSIEUR DAVID CLARINVAL – Ministre des Classes moyennes, des Indépendants, des PME, de l’Agriculture, des Réformes institutionnelles et du Renouveau démocratique.
1.En moins de 20 ans les librairies-presse indépendantes sont passées de 4100 à moins de 2000. La rentabilité en est une des causes mais également le nombre grandissant de législations et de décisions qui nous touchent et ce, principalement sur le tabac et les paris sportifs. Les Fédérations sont toujours écartées de toute consultation. Comment pourriez-vous nous aider à y remédier ?
– Je suis pleinement conscient des difficultés que rencontre le secteur des librairies-presse indépendantes. Il est essentiel pour moi de permettre à tous les secteurs de pouvoir être consultés quand un gouvernement adopte une législation qui les implique. Cela relève de la responsabilité de chaque gouvernement et, en son sein, de chaque Ministre. Dans le cadre de mes compétences, je consulte régulièrement le CSIPME, dont plusieurs Fédérations de libraires font partie, sur les matières qui les impliquent directement et indirectement. En tant que vice-premier ministre et ministre des Indépendants, j’ai toujours défendu les intérêts de votre secteur et je continuerai à les défendre durant la fin de cette législature.
2.Le système EPIS s’appliquera sur les bornes de paris en librairie-presse. Allez-vous étendre la mesure Epis aux jeux de la Loterie nationale ? Ne craignez-vous pas que ces contraintes additionnelles détournent les joueurs vers des sites illégaux de jeux de hasard qui abondent sur les réseaux sociaux ?
– Avant toute chose, il convient de préciser que la Loterie nationale n’est pas soumise au système EPIS, et il n’est pas prévu qu’elle le soit : en effet, le système EPIS est réservé aux jeux de hasard (basés sur le pari). Je me suis toujours opposé aux contrôles EPIS au sein des librairies, précisément pour ne pas ajouter des contraintes aux libraires. L’accord trouvé par le Gouvernement impose donc le contrôle EPIS sur la borne de paris elle-même, dont les adaptations seront à charge des opérateurs, ce qui permet de ne pas ajouter de charge de travail aux libraires.
3.Le document « stratégie interfédérale 2022-2028 pour une génération sans tabac » dresse 15 objectifs spécifiques. Parmi ceux-ci figurent la réduction des points de vente en 2028 et le display ban en 2025. Selon nous ces deux années devraient être identiques et nous nous questionnons sur le display ban. Comment envisagez-vous cela sans frais pour le commerçant ?
– La Cellule générale de Politique en matière de drogues a effectivement approuvé une stratégie interfédérale 2022-2028 dite « pour une génération sans tabac ». Elle se donne pour premier objectif de réduire à 6% le nombre de consommateurs quotidiens de tabac dans le groupe d’âge de 15-24 ans d’ici 2028.
Cependant, ces mesures de santé publique ne doivent pas pénaliser les petits commerçants. Comme vous le soulevez, il n’y a pas de sens à dissocier temporellement l’interdiction dans les grandes surfaces et le « display ban ». Je me suis exprimé en défaveur de cette inégalité. Par conséquent, le gouvernement a décidé d’anticiper l’interdiction de vente dans les grandes surfaces pour que ce soit d’application en 2025 au lieu de 2028. Cela permettra de compenser la mise en place du display ban pour les petits commerçants.
4.Le gouvernent décide chaque année une augmentation des accises sur le tabac. Mais le système belge pénalise le libraire qui voit, à chaque augmentation des accises, sa marge diminuer. Ainsi, un exemple pour le tabac à rouler où l’on est passé en quelques années de 8% de remise à moins de 2%. Nous souhaiterions un système à la française où la rémunération du vendeur est fixée par les autorités. Seriez- vous favorable à une étude approfondie sur le sujet ?
– Il est exact que les accises sur le tabac ont augmenté ces dernières années, au vu des enjeux de santé publique. Comme l’a expliqué mon collègue Ministre des Finances au sein de sa note de politique générale : « Ce gouvernement a résolument choisi de s’engager à mener une politique anti-tabac volontariste et globale, l’objectif visé étant une génération sans tabac en réduisant l’attractivité du tabac. Dans ce contexte, il a déjà été décidé d’augmenter chaque année les accises sur le tabac. ».
Comme vous le soulignez, il est toutefois important d’évaluer l’impact de cette augmentation sur les marges des revendeurs. Pour ma part, il me semble que les décisions politiques doivent être prises à l’aune d’un équilibre entre les enjeux de santé publique d’une part, et les enjeux économiques des petits commerçants nationaux d’autre part. Je suis donc favorable à une étude en ce sens.
5.Nous avons, dans nos tiroirs depuis des années, une proposition qui vise à donner une définition de ce qu’est une librairie-presse. Nous en avons aussi besoin pour le législateur qui, lui -même, se pose régulièrement la question. Pourrions-nous avec l’aide de votre administration réétudier cette demande ?
– La loi du 10 novembre 2006 relative aux heures d’ouverture dans le commerce, l’artisanat et les services prévoit des exceptions notamment en faveur des unités d’établissement dont l’activité principale constitue la vente du groupe de produits « journaux, magazines, produits de tabac et articles fumeurs, cartes téléphoniques et produits de la Loterie nationale ; ».
Une des raisons invoquées pour justifier la demande de révision de cette définition est l’usage abusif de cette exception.
A ce propos, je tiens à attirer votre attention sur une proposition de loi adoptée en 2ème lecture en Commission de l’Economie qui permet aux autorités communales de soumettre à autorisation préalable l’exploitation de ces commerces.
Ces commerces ne sont toutefois pas soumis à autorisation préalable si l’accès du consommateur se fait uniquement après 5 heures et avant 21 heures.
Je ne suis toutefois pas opposé à examiner en concertation avec mon administration, compte tenu de cette évolution de la législation, l’opportunité d’une modification de la définition évoquée, après la clôture des débats en cours au parlement.
Interview Walter Agosti