CINQ QUESTIONS À MONSIEUR ANDRÉ FLAHAUT

Ministre d’État, Député fédéral, Président honoraire de la Chambre des représentants

  1. Nous avons connu le journal « le Peuple » ensuite brièvement « le Matin ». Existe-t-il encore aujourd’hui selon vous un quotidien belge engagé ? Et selon vous pourquoi ce sont principalement les quotidiens dits de gauche qui ont disparu du paysage francophone ?

Force est de constater qu’il n’y a plus vraiment de presse quotidienne engagée en Belgique. Faute de financements et de soutiens politiques, la presse engagée a progressivement disparu. Sans doute n’était-elle pas suffisamment rentable ni suffisamment intéressante aux yeux des partis. Lesquels, notamment à gauche, avaient pu y voir jusqu’alors un outil de formation politique et de partage des valeurs. Ce n’est plus le cas aujourd’hui ; je le regrette. D’une manière générale, toute la presse a vu son lectorat diminuer considérablement ces dernières décennies. Face aux logiques commerciales qui tendent à prévaloir dans le monde des médias, les positions d’engagement et les idées de gauche ont beaucoup de mal à résister. Sont privilégiées la course au scoop et une certaine forme de prêt-à-penser.

  1. Engagé en politique, au parti socialiste, depuis de nombreuses années, quelles relations entreteniez-vous avec la presse écrite ?

J’ai toujours entretenu des relations de confiance avec la presse écrite et les journalistes, tant au niveau national que local. Ces relations – construites dans la durée – sont fondées sur le respect et la disponibilité. J’ai une liberté de ton, une franchise assumée et des positions qui souvent vont à contre-courant de l’opinion courante. Les journalistes le savent. Le contact est aisé. « Flahaut dispo ! », ce n’est pas seulement un slogan. C’est une réalité…

  1. Avez-vous connu des moments où la presse écrite vous a mis en difficulté ? Comment répondiez-vous à la presse quand l’information qui avait été donnée était infondée ?

J’ai parfois subi des attaques ou fait l’objet d’accusations, c’est vrai. On ne fait pas de politique depuis autant d’années, surtout à un haut niveau de responsabilités, sans être critiqué. La presse est libre et indépendante. Et puis, il n’y a que ceux qui ne font rien ou qui refusent de s’engager qui ne sont pas critiqués. De mon côté, je n’ai jamais manqué de répondre en conscience et en liberté aux informations infondées ; jamais manqué de défendre mes idées et mes décisions ; jamais manqué de m’engager pour les causes qui me paraissent justes. Au reste, les faits sont là : que ce soit à la Régie des Bâtiments, à la Défense ou à la Fonction publique, aucune de mes décisions n’a jamais été entachée d’irrégularité.

  1. La jeunesse ne s’intéresse que trop peu, aujourd’hui, à la presse écrite et plus particulièrement à la presse quotidienne. Quelles mesures incitatives le monde politique pourrait-il prendre pour redonner l’envie d’acheter le journal ?

Vous avez raison. Les jeunes, pour la plupart, ne lisent plus la presse quotidienne. Ils s’informent en ligne, notamment sur les réseaux sociaux où circulent beaucoup de fake news et où les infos ne sont pas vérifiées. Je le constate et m’en inquiète parce que c’est un danger pour la démocratie. Le travail des journalistes est essentiel, de même que la pluralité de la presse écrite. Mais les logiques commerciales déjà évoquées rendent ce travail de plus en plus difficile et tendent à compromettre la pluralité de l’information. Ceci étant dit, je crois que pour redynamiser la presse quotidienne et redonner aux jeunes l’envie d’acheter le journal, il faut investir dans la formation à la citoyenneté. Le premier devoir du citoyen c’est de bien s’informer, donc de faire attention à ses sources. Cette formation à la citoyenneté, j’en parle depuis 1998. Plus que jamais, elle s’impose ! Je pense même qu’il y a urgence.

  1. Vous êtes un fidèle de l’achat au numéro en librairie presse. Dites nous ce que vous achetez et lisez aujourd’hui ?

En effet, j’achète chaque jour la presse en librairie. Et je préfère payer en cash. Car pour des petites sommes, ça permet au commerçant d’éviter des frais bancaires inutiles. J’achète aussi bien la presse nationale francophone que la presse régionale, sans négliger les journaux flamands. C’est important pour moi d’avoir, sur l’actualité, le point de vue du Sud comme du Nord du pays. Je ne manque pas également d’acheter, de temps en temps, la presse internationale de qualité comme Le Monde diplomatique.

Interview Walter Agosti